- Allô, Michèle … c’est Marie. Je ne te réveille pas ?
- Oh si … tu me réveilles.
- La nuit a été si fatigante … ?
- À vrai dire ... j’ai tellement besoin de dormir …
- Tu n’avais pas un entretien à l’université aujourd’hui … tu m’as bien dit ça, non … ?
- Oui … et il va falloir que j’y aille … mais en attendant, je dois encore dormir …
- Il t’a tant fatiguée … ?
- Oh tu sais … tu veux bien que je t’appelle en fin d’après-midi … après le travail … et surtout après avoir dormi … à dix-sept heures, ça te va ?
- Oui, merci … à ce soir ... j’attends ton appel avec impatience.
- Au revoir Marie.
* * *
Michèle venait d’échapper à une conversation avec Marie. Ouf ! Mais elle savait que ce n’était que partie remise …
Elle appela Louis.
- Allô Louis, c’est Michèle … tu te souviens de moi … ?
- Bien entendu … tu as des remords, tu reviens me voir … ?
- Oh que non … il faudrait que je dorme … avant d’aller au travail. Je voulais te dire … comme prévu Marie m’a appelée … j’ai fait comme tu m’as dit, j’ai éludé … je lui ai dit que je devais dormir … Et aussi que je la rappellerai de l’université à dix-sept heures … je ne peux pas l’appeler de la maison, tu comprends … Pierre sera sans doute rentré … Mais que vais-je lui dire … ? Elle ne t’a pas encore appelé ?
- Pas encore …
- Tu ne lui dis rien de nous, hein ! … tu as promis.
- Je me limiterai au strict minimum, sois-en certaine.
- Je peux t’appeler vers quatorze heures trente, tu seras libre … ?
- J’attends ton appel.
- OK, je t’appelle. Je pense à toi, Louis. Je t’embrasse.
- À tout à l’heure, ma chérie !
- Oh toi …
- Mais tu sais combien je t’apprécie … ton corps sublime … ce que tu sais en faire …
- Allez, arrête un peu … il faut que je dorme … c’est que je suis vieille tu sais … je dois récupérer. Et si tu continues, tu vas me faire rêver, et je ne pourrai pas dormir.
- Je te laisse … je pense à toi, Michèle ... je rêve de toi.
* * *
Une minute plus tard, le téléphone sonne à nouveau chez Louis …
- Allô Louis, c’est Marie … pas trop fatigué ? … En tout cas tu sembles avoir épuisé Michèle … elle m’a dit qu’elle avait besoin de dormir …
- Bonjour Marie, ravi de t’avoir …
- Alors, Michèle, qu’en penses-tu ? Pas trop coincée ? Elle n’a pas joué les coquettes … ? Tu as été satisfait d’elle ... ? Allez, raconte-moi ce que tu as fait avec elle ?
- Tu ne penses pas que ces choses-là, entre un homme et une femme sont un peu intimes … ? Aimerais-tu que je fasse des commentaires à un tiers au sujet de nos rencontres ?
- Bien sûr que non … Je compte sur ta discrétion … Mais avec Michèle c’est autre chose … c’est mon amie … c’est grâce à moi … Alors … ?
- Eh bien, demande-lui à elle, quelles impressions elle a … entre femmes, entre amies …
- Oui bien sûr, elle me racontera … on se dit tout … mais il va falloir que j’attende ce soir … elle va m’appeler ce soir … Tu l’as sodomisée … ?
- Prends patience … Je me vois mal te dire … comme je me serais mal vu raconter à Michèle … même si toi, tu lui as tout dit de nous …
- Je ne lui ai pas tout dit, sois tranquille … mais trop sans doute … c’est qu’à me voir toute gaie … elle s’est doutée de quelque chose … elle m’a posé des questions … et j’ai parlé … sans doute ai-je eu tort ?
- On a toujours tort de parler de sa vie privée …
- Oui bien sûr … je n’aurais pas dû … Excuse-moi … Mais d’un autre côté … grâce à mes bavardages, tu as pu passer une nuit avec elle … ce que nous n’avons jamais pu, nous deux … Elle ne t’a pas déçu … ?
- Je t’ai dit de le lui demander à elle !
- Mais elle pourra me dire si elle a apprécié ou pas … mais pas si toi … ?
- Essaie tout de même de l’interroger … imagine que j’aurais pu lui dire : « Marie, comme elle aime que je lui … » ou « Comme elle aime me … » ? Insupportable n’est-ce pas ?
- Bien sûr, mais entre nous c’est différent … ça fait quelques mois qu’on se fréquente … nous vivons une certaine intimité tous les deux … Aussi après tout ce temps de complicité … je pense qu’entre nous, nous pouvons évoquer … cette petite aventure … que tu as eue avec Michèle … Discuter de ta nuit avec Michèle entre nous deux … ça rien à voir avec le fait que tu aurais pu donner des détails de notre relation à cette dame que tu as rencontrée hier …
- Je te répète Marie …
- L’important c’est nous deux … Elle va maintenant retourner à sa vie normale … , elle va rentrer dans son monde où il y a … moi son amie, son mari, ses enfants, l’université … tout cela emplit vraiment sa vie personnelle … jamais même elle n’a eu le moindre violon d’Ingres … jamais quoi que ce soit en dehors de son petit univers clos. Moi, son amie … je n’aurais peut-être pas dû lui dire que … la tenter … et finir par te l’offrir … ?
- …
- Bien sûr vous les hommes, et toi, si jeune, si doué, tu as saisi la balle au bond … le besoin de conquête … j’aurais dû y penser … mais dis-moi, à part Michèle … il y en a d’autres … ?
- Rasure-toi.
- Et tentée comme elle était Michèle … et cette occasion unique qui se présentait à elle … Et tu as sauté sur l’occasion …
- Mais dis-moi Marie, tu me fais là une crise de jalousie, alors que c’est toi qui m’a prié de lui tenir d’abord compagnie … et ensuite de lui faire passer une nuit agréable …
- Mais ça n’était qu’un jeu entre elle et moi … et jamais je n’aurais cru … j’ai joué avec le feu … Elle avait été épatée de mon épanouissement soudain … comme je t’ai dit … je lui ai avoué que … et puis elle m’a dit un jour : « tu devrais me le présenter ce Louis » … et j’ai répondu : « chiche ! ». Et puis j’ai trop parlé … je lui ai parlé de nos bonheurs … Elle s’est montrée curieuse comme une adolescente … je lui ai parlé de fellation … comme moi avant de te connaître, elle ne savait pas que ça existait … au moins pour les femmes normales … Je l’ai assurée qu’une femme normale pouvait y prendre du plaisir … elle a commencé à rêver … Pour la scandaliser, je lui ai parlé sodomie … en lui vantant le régal de la chose … Et elle m’a répété : « Présente-le-moi … je veux que tu me le prêtes ! » … Et j’ai accepté. Par jeu. Parce qu’au fond de moi je savais que ce n’était que rêve de sa part … On en reparlait de temps à autre … nous avions « décidé » qu’un jour où je viendrais chez toi, un jour où je serais indisposée, elle m’accompagnerait … que nous discuterions tous trois … que je finirais par te dire qu’elle aimerait être sodomiser … et que je te demanderais de lui rendre ce service … en ma présence en fait … mais ce n’était que du rêve éveillé …
- Des rêves de gamine … sur mon dos …
- Je savais bien que prude comme elle est … jamais elle n’oserait passer du rêve à la réalité … Et puis il y a eu cet extraordinaire concours de circonstances … son mari qui devait s’absenter et passer une nuit en Allemagne … justement quand elle et toi, seuls chacun de votre côté, vous veniez assister à une pièce où je joue … Et elle m’a mise au pied du mur … Mais elle un tel sens moral … la dernière à être prête à prendre un amant … moi non plus je ne l’étais pas d’ailleurs ... Bon, j’ai été prise au dépourvu, j’ai accepté d’entrer dans son jeu … Ce qui est fait est fait … mais maintenant nous allons fermer cette parenthèse-là, cette nuit qui a été la vôtre … Je vais lui demander qu’elle me la raconte … Puritaine comme elle est … j’ai bien peur que face à toi elle ne se soit complètement fermée … qu’elle t’ait déçu en fait ... Et si c’est le cas, j’espère que tu vas m’excuser … Oui, elle a dû se dérober … tu ne l’as pas forcée, pas violée au moins … ? Bien sûr je n’aurais jamais dû … ça avait été comme une espèce de jeu entre nous … jamais je n’aurais cru … au fond de moi j’étais persuadée qu’elle allait renoncer. … Mais il semblerait que ce n’ait pas été le cas … Et ce qui me vexe c’est que pour cette passade … qui n’en a peut-être pas été une vraie … parce que tu l’as peut-être renvoyée … vous ayez disposé d’une nuit … et qu’elle a pu passer cette nuit-là chez toi … enfin je crois … à moins que tu ne l’aies renvoyée … probable d’ailleurs que tu aies été amené à le faire … Une nuit entière … alors que moi … je n’ai jamais eu cette chance ... même si entre nous, c’est sérieux … Tu ne veux vraiment pas me dire … ?
- Non.
- Une nuit, nous n’en avons jamais eue … je n’ai jamais osé … j’aurais pu … Aussi je voulais te dire … jeudi en quinze, je dois me rendre à Bordeaux pour un colloque ; je comptais prendre le TGV le matin, et revenir le soir … mais peut-être que je pourrais partir le mercredi soir et passer la nuit là-bas avec moi … Une occasion de consolider notre relation, tu ne trouves pas ? Tu pourrais m’accompagner, dis ? … Et peut-être qu’aussi au lieu de reprendre le TGV jeudi soir … il serait possible de rester une autre nuit encore … ? Qu’en penses-tu ? Tu pourrais te libérer de mercredi après-midi à vendredi midi ?
- Tu sais que j’ai mon mémoire à préparer …
- Bon, une seule nuit … nous pourrions partir ensemble mercredi soir … et tu pourrais revenir dès jeudi matin … de toute façon, nous ne pourrions pas nous voir de la journée … Mais si tu pouvais t’arranger … tu pourrais travailler sur ton ordinateur à l’hôtel … je te laisse réfléchir. J’essaie … si les miens m’en laissent loisir, je t’appellerai ce soir … À ce moment-là, Michèle m’aura raconté … et enfin je saurai tout. … Bon, si je ne peux pas t’appeler ce soir, je rongerai mon frein … avant de pouvoir le faire demain matin. Pense à nos deux nuits ! … deux nuits ensemble … tu imagines ? Allez, je t’embrasse … Travaille bien sur ton mémoire … À ce soir …
- Au revoir Marie … J’attends ton appel … je t’embrasse.
* * *
Louis était abasourdi. Le scénario était pire que ce qu’il avait pu imaginer … Comment tous trois allaient organiser la sortie de cette crise-là ? Michèle le voulait pour elle seule … Et Marie, elle, considérait que la « péripétie » Michèle était terminée …
Et lui, Louis, sûr s’il devait choisir … ce serait Michèle … il était maintenant amoureux d’elle … de son corps, de sa féminité, de sa façon de faire l’amour … une femme BCBG, sans doute autoritaire … mais qui avait su se ménager un espace personnel avec lui, Louis … ils formaient une espèce de couple … Même s’ils ne se connaissaient même pas il y a vingt-quatre heures …
Mais il avait de la sympathie pour Marie … Il adorait la manière dont il l’avait conquise … il l’admirait … la première « femme » qu’il ait connue, la première qu’il ait respectée … et qui sans doute l’ait respecté … il ne pouvait quand même pas lui dire : « je vous veux toute les deux … pas de manières … mettez-vous d’accord pour synchroniser nos emplois du temps ». Il ne pouvait pas dire ça non plus à Michèle … Ce serait pourtant l’idéal … même s’il savait au fond de lui-même qu’il allait beaucoup s’ennuyer de la non-présence Michèle … et sans doute moins de celle de Marie …
Marie il avait dû la conquérir pas à pas … c’était la première « vraie femme » de sa vie … elle l’avait un peu intimidé … une femme mûre … sûre d’elle-même … Et quand elle avait cédé, qu’elle récompense cela avait été pour lui ! Une femme, une vraie femme … et il l’avait séduite. Il avait conquis sa « Madame de Raynal » à lui ! Elle s’était donnée à lui … d’abord avec réticence … puis naturellement. Avec elle il avait découvert « la femme » … avec ses pudeurs, ses envies, ses peurs, … la femme éternelle … Et maintenant il comprenait que Marie n’était qu’une étape dans sa connaissance de la femme. Tous les plaisirs qu’elle lui avait apportés, des plaisirs uniques, il les avait retrouvés avec Michèle … En mieux même sans doute ? Pourquoi donc ? Michèle, il l’avait « malmenée » comme jamais il n’aurait osé le faire avec Marie … Marie, il tenait à la conquérir, c’était son ambition … il avait dû se montrer stratège avec elle … ne jamais la placer dans une position où elle aurait pu se sentir offensée … Il avait avancé pas à pas, su reculer quand il le jugeait nécessaire, passer à l’attaque uniquement quand il était sûr d’être vainqueur … patienter … de toute manière il savait qu’il allait la revoir … qu’elle ne pouvait pas disparaître dans la nature … que le temps jouait en sa faveur … Avec Michèle, ça avait été tout autre chose : elle s’il la laissait échapper, elle allait disparaître à tout jamais dans la nature … que savait-il d’elle ? Quelle s’appelait Michèle et qu’elle était une amie de Marie. S’il la perdait de vue … il se voyait mal dire à Marie : « dis donc, ton amie, j’aimerais bien un jour la revoir … tu pourrais arranger ça … elle est si belle et elle m’a fait si bonne impression …. ». Eh oui, Michèle il l’avait trouvée très belle … et leur conversation l’avait excité … et elle aussi … il l’avait ressenti, elle était excitée ... Elle voulait être « sollicitée » par lui, Louis … et il savait qu’il ne devait pas perdre cette chance qui s’offrait à eux … il ne se pardonnerait pas s’il échouait … et Michèle non plus. « La forteresse » était vaincue ; il le savait, elle le savait … il ne fallait plus que faire taire « les quelques redoutes qui ne voulaient pas céder comme ça » … mais qui attendaient une bonne raison de cesser le combat. Il a donc annihilé les dernières raisons morales que Michèle lui opposait … Michèle qui espérait seulement qu’il les ferait tomber avec élégance pour pouvoir capituler dans l’honneur. Peut-être que ces fausses défenses que Michèle a abandonnées une à une, la lui ont rendue plus désirable encore … Il lui avait fallu combattre, prendre quelques faux risques … Et puis Michèle, qui avait pu se donner l’illusion d’avoir été vaincue par un assaillant intraitable, une fois conquise avait accepté le jeu de son conquérant. Leur nuit avait été sublime ! Bien sûr il n’avait jamais passé de nuit avec Marie … Mais avec Michèle, il avait connu des sommets !
Il sentait qu’il allait devoir choisir … Et ce choix, il l’avait fait … mais quelle humiliation ce serait pour Marie … il ne pouvait pas l’humilier comme ça … Mais il se sentait tellement « accroché à Michèle » … il la sentait si proche de lui … et lui si proche d’elle … non, il ne pouvait pas la sacrifier … mais il lui faudrait choisir car toutes deux étaient d’accord sur un point : « Elle seule ». Impossible d’humilier Marie … Alors les persuader d’accepter « ce ménage à trois », « cette sorte de harem » ? Non, là ce sont les deux qu’il humilierait …
Encore une solution … extrême … rompre avec les deux … mais comme il serait désolé de perdre Marie ! … Et comme il serait malheureux de perdre Michèle … Et puis pour de bon, les deux amies de cœur se mettraient à le détester. Le désastre complet !
Les réconcilier … ou plutôt puisqu’elles n’ont pas encore rompu … les empêcher de se fâcher …ce serait la moins mauvaise solution … Mais il n’est pas seul … ils sont trois … Et comment leur faire accepter ce ménage à trois ? Ah si elles pouvaient s’arranger entre elles pour se partager Louis. Il accepterait ça … rien à voir avec ces hommes bigames qui vont prendre place dans le lit de l’élue … lui les laisserait se mettre d’accord pour venir le rejoindre … elles détiendraient de la sorte une espèce de pouvoir sur lui …
Ah qu’il se sentait bien Louis il y a moins de vingt-quatre heures … il était l’amant d’une femme qui le comblait … il prenait plaisir à faire l’amour avec elle, à discuter avec elle, à faire du théâtre avec elle. Une agréable liaison … et pas du tout « fil à la patte ». Puis il a fallu que Marie bavarde … et qu’elle lui « offre » son amie … qui allait se révéler une amante divine. Et maintenant il était piégé … il allait les perdre toutes les deux … Hier il aurait fait n’importe quoi pour ne pas perdre Marie … il ne veut toujours pas la perdre … mais il ferait plus encore pour ne pas perdre Michèle … et il allait les perdre tout les deux … et en plus elles le détesteraient. Il avait trouvé une femme qui lui plaisait … mariée. La félicité ! On lui en avait donné une autre … Deux c’est bien aussi … mais pour elles, c’est une de trop, elles refuseront de s’arranger entre elles … et elles seront deux de trop donc. Il va tout perdre. Elles vont se mettre peut-être à se haïr … et lui, il va tout perdre. Un accident ! Un accident grave ! Une catastrophe ! Sans doute pourrait-il en fin de compte « sauver les meubles » … c'est-à-dire conserver Michèle. Mais à quel prix ? À un prix au dessus de ses moyens ! Avoir une amante … et devoir détester l’autre.
Louis n’avait plus cœur à travailler … il avait besoin de dormir … mais il était stressé … Il avait son mémoire … il devait se concentrer sur son travail … mais impossible … il y a cette Michèle qui accapare toutes ses pensées … il y a aussi Marie … comment va-t-il la gérer, Marie ? … sûr son mémoire allait devoir attendre … comment était-ce possible d’être devenu l’esclave d’une femme … de deux femmes ?
Il sortit et se dirigea vers les bords de Seine. Mais il s’y ennuya … et il était fatigué. Il lui fallait dormir … il retourna chez lui, et sans se déshabiller, s’allongea sur le lit … sur ce lit où il avait vécu une nuit si intense avec Michèle …