Céline se sentait bien. Elle passa dans son bureau d’assistante d’université, enleva son pantalon et revêtit une robe qu’elle avait là dans l’armoire … Ce pantalon elle ne le remettrait plus en présence de Roland. Elle sortit dans la rue, alla se faire faire un test HIV, se contenta d’un sandwich, et se promena, impatiente, en attendant l’appel de Roland. Relâche l’après-midi … elle n’avait pas envie de travailler. Comment aurait-elle pu travailler … ? Elle était dans tous ses états … elle venait de se faire dépuceler en quelque sorte … Mieux que ça, parce que quand ils avaient décidé Jérôme et elle de faire l’amour, ça n’avait pas été en fait une « révolution » … non, simplement un changement de statut dans leurs relations : il est normal de faire l’amour, alors ils s’y étaient mis … Mais avec Roland, ça avait été une tout autre affaire : là, ça avait vraiment été « la révolution ». Et pourtant elle n’était pas encore vraiment devenue « sa femme ».
Ah ce que le temps passait doucement, comme cet après-midi « se traînait » … Mais qu’est-ce qu’il foutait donc son prof avec le président ?
Roland, fit le maximum pour écourter son entretien. À 17 heures il était libre, et il se dépêcha de rentrer au deux-pièces qu’il avait acheté pour commodités près de l'université. Il y passait rarement la nuit, sauf pendant les périodes de grand travail, quand il voulait éviter un retour trop tardif à la maison. Parfois il y venait lorsque sa présence à l'université n'était pas nécessaire et qu'il avait besoin de se concentrer loin de tous. Maintenant, si l’occasion d'y passer une nuit avec Céline se présentait, sûr il y resterait. Mais leurs rencontres seraient plutôt du type cinq-à-sept car elle aussi avait quelqu'un dans sa vie. Et c’était bien ainsi : il avait sa vie, sa famille, ses amis … bien entendu il allait prendre du plaisir avec Céline … et lui en donner ; pourquoi pas ? Mais s’il appréciait sa jeunesse et sa beauté, s’il ne doutait pas qu’il allait pouvoir la former à l’amour comme il l’avait formée aux techniques du laser, il était trop lucide pour ignorer que leur différence d’âge ne jouait pas en sa faveur, et que leur liaison n’avait en fait pas d’avenir. Ils allaient tous deux tirer profit de leur relation, lui de sa jeunesse à elle, et aussi du plaisir qu’il allait prendre à l’initier à « son métier de femme », elle au prestige qu’elle allait ressentir à avoir pour amant un homme qu’elle admirait.
Et ce soir après avoir passé un moment avec sa jeune et belle thésarde, il rejoindrait à son habitude sa femme Alice … et lui cacherait le trouble dans lequel il allait à coup sûr se retrouver. Alice était elle-même universitaire, pas comme lui une scientifique : elle était professeur de médecine, spécialiste de la chirurgie cérébrale. Leur fille aînée Matilde suivait le chemin de sa mère, elle serait médecin et envisageait également de devenir professeur ; seule sa spécialité serait différente, la cardiologie. Leurs deux fils avaient eux aussi réussi des études secondaires exceptionnelles : Pierre venait d’intégrer Centrale et « le petit dernier », Marc se destinait à Sciences Po et l'ENA.
Roland changea les draps et il décida d’appeler son amie.
- Allô Céline, c’est Roland ...
- Ah, bonjour Lucile ... excuse-moi, je suis occupée, je te rappelle dès que possible ... tchao.
Les choses se présentaient mal ; que se passait-il ? Cela le rendit nerveux. Son scénario tombait à l’eau. À moins que ... Il se raisonna : il y avait certainement une raison impérieuse pour que Céline, qu'il avait quittée il y a à peine quelques heures, réagît de la sorte. Il décida de patienter : Céline allait le rappeler, c’était sûr ... comme elle l’avait dit. Et puis si cela tardait, il retournerait à son bureau à l’université avant de reprendre le chemin du foyer conjugal.
Moins d’un quart d'heure plus tard, son téléphone sonna : c'était elle.
- Excuse-moi Roland, je n'avais pas le choix ; je me réjouissais de te rejoindre bientôt quand Jérôme m’a appelée ; il était dans le quartier, et il m’a proposé d’assister, à la séance de fin d'après-midi, à la projection d’un film que nous avions prévu de voir, et d’aller ensuite au restaurant. Abasourdie, j’ai un peu bafouillé et je n’ai rien trouvé comme excuse plausible, et quand tu as appelé nous marchions vers le cinéma. Arrivée sur place, je me suis précipitée aux toilettes, d'où je t'appelle : un bon endroit les toilettes des femmes ... elles sont désertes, et ici il ne peut pas entendre notre conversation. Crois que je suis désolée ... je me faisais une telle joie de ce moment que nous allions vivre ensemble.
- Le destin Céline, le destin ! Ce sera pour une autre fois.
- Tu ne m'en veux pas au moins ?
- Mais non, c'est un cas de force majeure.
- Excuse-moi encore ; demain, quand tu voudras ... À propos, je l’ai fait le test.
- Merveilleux ! Moi aussi je l’ai fait. Si tu peux, nous pouvons déjeuner ensemble demain à midi ... et ensuite aller chez moi ; tu veux ?
- Bien sûr … excuse-moi, il va falloir que je te quitte. Même si les femmes passent du temps dans les toilettes ... Je te quitte. Je t'embrasse. Je pense à toi.
- Je pense à toi. Je t'embrasse. Demain à midi au Royal, ça te va ?
- Et si on sautait la case restaurant demain ?... Je suis impatiente … à midi chez toi, OK ?
Elle rejoignit Jérôme dans la salle. Déçue. Très déçue. Leur plan, à Roland et elle, s’écroulait. Elle avait essayé l'après-midi de penser aux différentes excuses qu'elle pourrait fournir à « son copain » pour excuser son retour qui allait forcément être tardif ... Et puis tout dégringolait. Il lui avait fallu retourner à l’université, retirer sa robe et remettre son pantalon, le pantalon dans lequel Jérôme l’avait vue partir le matin. Maintenant elle le haïssait, Jérôme. Il essaya de lui prendre la main ... mais agacée elle la retira très vite. Dès que la salle eût été plongée dans le noir, il tenta de passer son bras autour de son épaule. Elle ne pouvait pas supporter ça. Elle allait suivre le film, mais le cœur n'y était pas ; elle était très nerveuse ... même si elle le cachait si bien à son copain. Elle pensait « mon copain » … celui avec qui elle vivait, le seul homme qu’elle avait jamais connu … Par contre en pensant à Roland, elle pensait « mon homme » … même si lui il ne l’avait jamais « baisée » … Brusquement il était devenu « son homme ». Ce matin … il était seulement son professeur, et … Comme les choses ont évolué vite ! Roland ne l’avait en fait pas encore possédée … mais il était quand même « son homme ». Certes, il ne l’avait pas « possédée » comme on l’entend généralement … mais comme elle avait néanmoins été à la fête avec lui !
Elle ne pensait qu’à Roland. Que faisait-elle là, au ciné … à regarder un film qui ne l’intéressait pas, qui ne l’intéressait plus, même si elle avait pourtant souhaité le voir … avec un mec qui était brusquement devenu gênant.
D’abord, rien n’avait été prévu entre Roland et elle … Elle avait seulement souhaité pouvoir continuer à travailler avec son professeur … et puis rien n’avait plus fonctionné normalement … et elle s’était mise, elle, à draguer, à draguer son maître. Et elle avait gagné, elle l’avait vraiment dragué. Ensuite comme elle était éprise et « demandeuse », elle s’était attendue à quelques caresses rapides dans son bureau ... avant qu’il ne « la sautât » : une occasion pareille, un homme de son âge ne pouvait pas la laisser échapper ! Et elle Céline, elle qui n’avait jamais été attirée par les choses du sexe, elle avait tout à coup trouvé cela normal, qu’un homme mûr ait envie de « se faire » une jeune nana qui l’avait « allumé » … et qu’elle n’ait rien à redire … parce qu’il n’existe rien de plus excitant pour une jeune étudiante douée que de se faire sauter par un professeur qu’elle admire tant. Et comme elle n’avait jamais été « préparée sexuellement » par Jérôme, et même si elle avait lu dans des magazines … elle ne pensait pas vraiment que faire l’amour ça pouvait être autre chose que de « baiser ». Elle croyait donc qu’elle allait « se faire sauter ». Elle y était prête … elle attendait ça … elle n’attendait que ça … qu’il la pénétrât, qu’il se vidât en elle … C’est tout ce qu’elle connaissait de l’amour en fait … c’est comme ça que ça se passait toujours avec Jérôme, et elle s’en contentait. Lui resterait ensuite à faire un brin de toilette avant de repartir. Elle n’aurait plus qu’à attendre sagement qu’il ait à nouveau envie de « se la faire ».
Mais non : tout faux, Roland avait changé la donne, il l’avait complètement séduite. Et comment il avait fait résonner son corps ! Quelle surprise ... et dans un si petit fauteuil ... Comment avait-il pu monter un tel scénario dans cet espace tellement limité ? Comme il avait joué de son corps ! Comme elle avait apprécié cela ...quelle maîtrise chez lui ! ... Il avait agi en maître … il l’avait « gérée » elle, comme il gérait ses cours. Elle n’avait pu que se laisser mener là où il le voulait, comme il le voulait, quand il le voulait : un grand professeur ! Quel charisme chez cet homme ! Il l’avait amenée à s’abandonner complètement … et comme elle avait joui de cela. Auparavant, bien organisé, il lui avait demandé d'aller enlever elle-même son soutien-gorge, bien à l’abri dans le cabinet de toilette … et elle l'avait fait ... et pour une fois, quand il s’était occupé de sa poitrine, elle ne s'était pas retrouvée avec un sein compressé ou pincé par « un Jérôme maladroit » qui tentait de s’y agripper. En fait Roland l’avait « préparée » comme il prépare ses cours, à la perfection … et pour la première fois de sa vie, ses seins avaient été à la fête … bien plus que ce qu’elle avait pu lire dans des magazines … Mais pas seulement ses seins … sa bouche aussi, ses oreilles, ses épaules … Comme il avait joué de son corps à elle, de ses sens ! Un véritable musicien cet homme-là, un virtuose ! Elle s’était immédiatement abandonnée à cette symphonie-là … comme on s’abandonne à un concert, quand on oublie tout, quand on n’est plus que plaisir. Quelle jouissance ! Jamais elle n’avait connu ça, jamais elle n’avait imaginé que cela pût être possible … même dans ses fantasmes les plus fous.
Et en plus il ne l’avait pas même pas « sautée » … pas encore. Par contre il l’avait « priée » de lui faire une fellation, un truc qu’on ne demande qu’à une salope … à une fille qu’on paie pour ça … enfin le croyait-elle. Et il l’avait amenée avec tellement de naturel à s’exécuter … Un sexe d’homme dans la bouche … pouah … et elle l’avait pris dans la bouche ce sexe d’homme … comme une salope … il lui avait tellement présenté cela comme simple, comme allant de soi … alors qu’il ne s’était même pas occupé de son sexe à elle. Et elle s’était « délectée » de ce sexe d’homme, elle l’avait caressé de ses mains, léché, sucé, aspiré profondément dans sa bouche … et elle avait encore trouvé tout à fait normal qu’il se vidât en elle et qu’elle avalât sa semence. Elle avait tout accepté … mieux, elle avait participé, collaboré de manière spontanée. C’est qu’un grand pédagogue ce Roland, qui s’était passionné à amener son élève là où il le voulait. Et elle avait trouvé tout cela ça très bien … grisant … et elle allait le refaire, elle le savait … elle le reprendrait en bouche … même sans qu’il ne lui demande rien. Maintenant encore elle ressentait toujours la présence de « son homme » en elle … et elle s’en réjouissait : il y avait eu une telle intimité entre son sexe à lui et ses doigts, ses lèvres, sa langue, sa gorge …. Elle avait fait ça ! Si ce matin on lui avait dit qu’elle ferait une chose pareille un jour … une chose qu’on ne demande, sûr, qu’à une salope … Jérôme ne lui avait jamais demandé cela ... même pas de prendre son sexe en main. Des choses qui ne se font pas ! Ni Jérôme ni personne ... en fait jusqu'à ce matin, elle n'avait connu qu'un seul homme, Jérôme. « L'amour torride », ça avait toujours été ... quelques embrassades rapides, quelques prises en main tout aussi rapides de ses seins ... avec à la clé souvent un pincement accidentel ... avant l’inévitable « enlève ta culotte » ! Rien de plus, seulement ça ... et le tout terminé en moins de cinq minutes. L'efficience ! Seulement de l'efficience ! Pas de temps perdu : bander, pénétrer, vider … son « veni, vidi, vici » à lui.
Presqu’une heure et demie de plaisir. Et ils n’avaient même pas fait vraiment l'amour. Et quand elle avait quitté le bureau de Roland, il lui avait fallu aller s'acheter une culotte, tant la sienne était devenue collante. Collante seulement par l'envie qu’il lui avait insufflée, qu'il avait induite en elle ... parce qu'en fait il ne l'avait même pas touchée là. Heureusement d’ailleurs … quelle honte elle aurait eue s’il avait mis les doigts sur sa culotte trempée ! Dorénavant, elle n’attendait plus qu’une chose, qu’il prenne enfin possession de son sexe … comme « un homme » se doit de prendre possession du sexe d’une femme. Comme elle l’attendait le prochain « cours » de son maître ! Hélas, il était reporté, elle allait devoir patienter. Mais sûr, après ce qu’elle avait connu le matin, quand il la pénétrerait, ça allait être « un grand moment » ! Hélas il allait lui falloir attendre. Et tout l'après-midi elle avait attendu son coup de téléphone. Et c'était Jérôme qui s'était manifesté. Pour tout casser ! Le piège ! La rage ! Comme elle le détestait en ce moment, ce Jérôme qui était à ses côtés, qui allait vouloir la tripoter en rentrant, la baiser en trois temps trois mouvements. Ah comme elle allait l'envoyer balader ! La migraine. Il insistera ... mais elle tiendra bon. Elle ne voulait pas qu’il lui fasse l’amour ce soir … c’était Roland qui aurait dû la prendre ce soir, pas lui Jérôme. Pas question qu’il prenne la place de Roland ! Elle allait devoir attendre jusqu’à demain. Bien sûr qu’elle fera encore l’amour avec Jérôme … mais pas ce soir … pas avant qu’elle ne devienne vraiment « la femme de Roland ». Après, bien sûr … ils vivent ensemble … Mais Roland d’abord … après on verrait. Elle était curieuse de voir comment il allait procéder, comment il allait s'emparer de son sexe à elle, comment il allait le pénétrer, l’utiliser, comment elle allait l'accueillir, comment elle allait s'abandonner à lui, comment elle allait jouir, comment elle allait être heureuse ... comment elle allait devenir enfin une femme, une vraie femme, vraiment femme, une femme-femme comme il dit.
Bien entendu, en colère comme elle l’était, elle n’a rien compris au film. À la sortie, elle est restée muette, invoquant pour Jérôme une grosse migraine.
Le repas qui suivit fut donc silencieux, triste et rapide. Jérôme ne comprenait pas bien ce qui se passait. Céline l’avait quitté le matin. Fière de sa réussite universitaire, elle lui avait annoncé qu’elle souhaitait que Monsieur Belanteau soit son directeur de thèse. Quoi de plus naturel ? Elle avait été satisfaite de son aide les mois précédents, et comme elle disait … « on ne change pas une équipe qui marche ». En début d’après-midi, Jérôme, qui lui préparait un doctorat en droit, l’avait appelée ; elle lui avait confirmé qu’elle continuerait à travailler avec son professeur préféré. Tout allait donc pour le mieux, aussi pensa-t-il lui faire plaisir en fêtant ça : ils iraient en fin d’après-midi voir ce film dont ils avaient parlé la veille, et ensuite il l’inviterait au restaurant. Il avait proposé une fête … bon, bien sûr elle avait une migraine … il ne lui avait jamais connu ce problème-là auparavant … Dommage.
Loin de lui bien entendu l’idée qu’il venait de mettre à terre le bel «édifice que Céline et Monsieur Belanteau venaient de se créer pour cette soirée. Il avait bien essayé de lui poser quelques questions, en espérant que l’intérêt qu’il lui portait allait lui plaire … mais rien n’y fit. Elle lui expliqua seulement qu’elle était fatiguée et qu’elle avait la migraine. Il s’inquiéta car il la savait forte … mais il ne réussit pas à installer un dialogue entre eux. Ils repartirent donc au plus vite chez eux : Céline fit une brève toilette, se mit au lit et s’endormit … en fait elle fit semblant de dormir … afin d’éviter tout dialogue et tout contact physique avec Jérôme.
Le lendemain matin, elle continua à feindre la fatigue et attendit le départ de son ami pour se lever. Elle retrouva alors aussitôt le moral, chantonna, fit une toilette soignée, se choisit une belle robe, noire, bien collante, décolletée devant, ouverte derrière, une robe qu’on met sans soutien-gorge, pourvue d’une fermeture à glissière qui lui descendait jusqu’aux fesses. Pas trop provocante ? Mais c’était le grand jour ! Un jour où elle n’irait pas à l’université, le jour où elle rejoindrait son amant dans son appartement. Le jour où elle allait devenir femme ! Enfin devenir femme ! Son professeur allait faire d’elle une femme !
Comment avait-elle pu tomber amoureuse de ce vieux professeur ? Les phéromones, assurément ! Elle avait à ses côtés un être jeune, qui allait être docteur en droit international, qui était beau, sympa, intelligent … et elle l’avait déjà trompé la veille avec un homme plus âgé que son père. La honte ! Et elle était incapable de renoncer à cet amour-là. Bien sûr qu’il était vieux … mais tellement homme !
Sûr qu’elle ne pourrait parler de cet amour-là à quiconque ; qui pourrait la comprendre ? À qui pourrait-elle raconter que lui seul comptait maintenant pour elle ? À qui pourrait-elle avouer ce qu’elle avait fait avec lui la veille, ce qu’il lui avait demandé, et qu’elle avait accepté sans pudeur … et même adoré ? Quelle copine pourrait comprendre cela ? « Tu n’es qu’une salope » lui dirait-elle ! « Et en plus avec un vieux vicieux ! ».
Et pourtant comme elle était fière d’avoir fait cela. Fière pour elle. Pour lui. Pour eux deux, une fierté intime. Elle avait cru qu’il l’a prendrait là, dans son bureau … elle l’avait espéré … Il avait fait un autre choix … et ça avait été très bien. Ils allaient se revoir le soir … Et vlan ! Voilà que Jérôme s’était souvenu qu’« il avait une femme » … justement au plus mauvais moment … Tout avait été si bien réglé … et par connerie, Jérôme avait « tout foutu par terre » !
Bon, ce n’était que partie remise … Partie remise, mais ce qui aurait dû être fait restait à faire. Elle allait partir ; elle s’était fait belle. Aurait-elle dû mettre des bas ? Elle n’en avait pas. Et puis n’aurait-ce pas été se montrer trop provocante ? Sa robe l’était déjà assez. Et quelle sorte de bas d’ailleurs ? Le modèle qui tient tout seul ? Le modèle avec jarretelles ? Le problème était réglé, elle n’avait pas de bas, d’aucune sorte. Et puis, mieux valait attendre son avis à lui ; il le lui avait déjà donné pour la robe ou la jupe ; sûrement qu’il allait compléter ses choix maintenant qu’elle était sienne. Et puis il y avait Jérôme : comment allait-il réagir si tous les jours elle s’habillait en femme ? Et si en plus elle s’achetait des bas ? Mais pas d’affolement … elle continuerait à partir de chez elle habillée comme toujours … et elle se changerait dans son bureau à l’université. À propos, tiens, elle risquait de rentrer tard ce soir … après le retour de Jérôme … il lui fallait donc emporter une tenue « plus normale » pour la remettre avant de rejoindre « son foyer » ... et trouver une excuse plausible à son retard.
Elle allait partir … elle était nettement à l’avance … mais que faire d’autre ? Une fois dehors, elle appellerait Roland. Il allait être ravi de son appel. Il lui donnerait son adresse exacte ainsi que le code d’accès de l’immeuble ; à midi il serait dans l’appartement à l’attendre … elle serait à l’heure ... mais comme la matinée allait être longue.
Elle flâna quelque peu. Le regard des hommes s’accrochait à elle … sa robe moulante … Elle était ravie de se voir belle dans leurs yeux ! Quelle révolution depuis la veille ! Il avait suffi d’une étincelle … et un incendie s’était allumé en elle. Bien sûr qu’elle avait aimé les regards dont Monsieur Bellanteau avait toujours honoré son corps. Bien sûr qu’elle était tombée amoureuse de cet homme-là … à cause de sa grande culture … et puis à cause de ses regards. Elle avait voulu continuer à travailler avec lui … surtout à cause des regards qu’il posait sur son corps … ces regards qui l’avaient rendue amoureuse de son professeur … Mais si Monsieur Bellanteau, Roland maintenant, n’avait pas prétendu refuser de continuer à la diriger dans son travail, tout aurait continué comme avant … la « vie paisible » avec Jérôme … les regards de Roland … et le travail. Avec seulement des relations de travail professeur-étudiante. Mais voilà, il avait décidé de lui dire non … et sans le vouloir réellement, elle en était arrivée à « sortir le grand jeu » … Elle n’avait pas prévu ce non, et le fait d’être rejetée par son professeur l’avait révoltée. Elle n’avait pas pu accepter ça … et était arrivé ce qui était arrivé … cette espèce de tsunami inattendu ... Elle l’avait littéralement dragué … elle avait joué « la séduction » et il semble qu’il n’attendait que ça ... Ils avaient passé un peu plus d’une heure ensemble … et tout avait été changé. Elle le voulait comme amant … Un amant, elle … Jamais cette idée ne lui était venue … avoir un amant ce n’était pas son truc … son truc c’était le travail … Le sexe, ne l’avait jamais fait rêver … quelque chose de plus ou moins indécent dont il faut se tenir éloigné … Et voilà, en quelque minutes tout avait « explosé » … et elle avait eu envie d’être « prise » par cet homme-là … plus vieux que son père … Et ils avaient immédiatement eu des relations intimes … pendant plus d’une heure. Et pourtant il ne l’avait pas encore « prise » réellement … mais il l’avait amenée à … vraiment un truc de salope … et elle avait aimé ça … et elle le referait … Il aurait dû « la prendre » le soir … mais ce Jérôme était venu mettre la pagaille. Elle s’était découvert brusquement le besoin de « se faire faire l’amour » … et lui, Jérôme, qui n’avait rien à voir là-dedans … Quelle révolution elle avait connue! Elle allait aller rejoindre Roland … trois heures encore à attendre avant de « se faire sauter » … une seule chose lui importait maintenant, « qu’il la prenne ! ». Après avoir pris Roland en bouche, elle allait le recevoir maintenant dans son sexe … comme elle attendait avec impatience la douce chaleur de ce liquide qu’il allait répandre au plus profond d’elle !
Pour la première fois de sa vie, elle se rendait compte qu’il existait des hommes partout … avec leurs regards d’hommes sur une belle femme … Il faut dire que ce matin « elle avait mis le paquet » avec cette robe ! Elle attirait les regards comme la confiture les guêpes ! Elle n’avait jamais eu besoin de ces regards … bien sûr ces derniers mois ceux de son professeur l’avaient troublée … mais maintenant « les yeux de la rue » lui faisaient chaud au cœur. Rien de grave, Roland allait bientôt « la prendre » … et elle oublierait toutes « ces caresses optiques » qu’elle recevait. Roland lui avait la veille donné le goût de la sexualité … il allait continuer son œuvre aussi elle prenait conscience que le sexe tiendrait dorénavant une grande place dans sa vie. Avec Roland bien sûr ! … Mais tous ces regards d’hommes sur elle, comme « ça l’excitait » quand même ! Elle venait de séduire Roland, elle n’était pas encore vraiment « sa femme » … même si elle lui avait fait … Mais elle le serait bientôt vraiment « sa femme », c’était imminent … Quand même tous ces yeux gourmands d’hommes sur son corps … ? Mais seul Roland comptait … même si l’idée de séduire également quelques uns de ces yeux s’insinuait imperceptiblement en elle. Elle serait fidèle à Roland … même si elle allait pourtant continuer à vivre avec Jérôme … qui la sauterait encore de temps à autre. Elle serait fidèle à Roland qui lui, lui ferait l’amour, pas à Jérôme à qui elle permettra seulement qu’il la baise quand il le voudra : ils vivent ensemble … comment faire autrement ? Elle devra supporter que son copain puisse assouvir ses besoins physiologiques et hygiéniques en elle … elle devra lui rendra se service … pour avoir la paix … rien à voir avec ce qu’elle allait vivre avec Roland.
Ah comme le temps lui paraissait long ! Les aiguilles ne voulaient pas tourner … elle s’enhardit et prit plaisir à rendre le regard à quelques unes de ces paires d’yeux qui la scrutaient avec une envie évidente … Ah ce que c’est bon d’être une femme, d’être désirable et regardée … et aussi de pouvoir de-ci de-là accepter de rendre ces regards … allait-elle devenir une séductrice ? Jusqu’à maintenant la sexualité n’avait jamais été un problème pour elle … elle avait « son mec », elle baisait … sans plus … c’est normal de baiser … comme de manger et dormir … rien de particulièrement excitant là-dedans. Jérôme et elle sont étudiants ; le principal pour eux, c’est le travail … obtenir un doctorat, voilà la seule chose importante dans la vie … mais hier, un peu par inadvertance, elle avait dragué son professeur : elle était devenue séductrice … rien de prémédité … simplement un béguin pour son prof assorti à l’envie de continuer à travailler avec lui. Tout était allé très vite … et brusquement elle avait pris goût au sexe … et elle avait fait d’entrée une fellation à un homme … comme une salope … et elle avait aimé ça … et elle n’est pas une salope … seulement une femme. Et ces hommes qui la regardent ! Parfois elle soutenait le regard de l’un d’eux… et elle songeait qu’elle pourrait le séduire, simplement en le fixant dans les yeux et en lui souriant … en abaissant le regard vers son entre-jambes … avant de revenir à ses yeux … Elle rêvait mais ne le faisait pas … elle est une fille sérieuse quand même … et fidèle. Néanmoins ses pensées s’égaraient parfois : « celui-là, comment elle est sa queue ? … Est-ce que je prendrais du plaisir à la recevoir en bouche ? … Comme celle de Roland ? Est-elle plus longue, plus courte, plus grosse, plus menue que celle de Roland ? Serait-elle douce sous mes doigts, sous ma langue … ? » Elle fantasmait … serait-elle capable de leur sourire pour les inviter à venir à elle ? Ce serait tout simple … hier elle ne se savait pas qu’elle détenait un tel pouvoir. Pourrait-elle prendre du plaisir avec des hommes ? Avec des inconnus ? Ses pensées divaguaient … ah que c’est long d’attendre. Dans un accès de réalisme elle décida : « fini de rêver … je suis fidèle. Fidèle à Roland. Roland est mon homme. Je suis sa femme ».
Et elle prit conscience qu’elle était toute liquide … Deux jours de suite … jamais ça ne lui était arrivé auparavant. C’est vraiment la révolution ! Elle alla à nouveau s’acheter une culotte. Sitôt arrivée chez Roland, direction la salle de bains ! Pas question qu’il me trouve comme ça : un brin de toilette, une culotte neuve … je dois être présentable.
N’en pouvant plus d’attendre, même si elle était en avance, elle se dirigea vers chez Roland.