Bruno - LE FOUET

[Janus]

LE FOUET

De Gaulle, l'opéra et le fouet, trois passions qui me faisaient la nuit traverser la ville. Ce n'étaient pas les miennes, le rhum en était une autre qui nous réunissait, mais la musique aussi. Il se trouve que j'avais enterré le Général et je la fascinais, j'avais chanté cette messe du pouvoir et donc d'érotisme ; à la cathédrale, Notre-Dame, la déesse des vierges et du safe-sex.

Elle buvait tant qu'elle tombait dans les assiettes de ses amis. Dans ses robes longues, si longues par le bas que ses seins en étaient presque nus, elle nous tournait la tête. Elle baisait des ténors dans des hôtels baroques de provinces historiques. Elle-même avait la voix basse si sensuelle qu'il faut aux musiques mystiques et compliquées. Elle baisait aussi la force et le pouvoir, qu'elle accueillait dans sa chair avec le fouet. Mais il était doux et plutôt pour eux. Elle inversait. De Gaulle, les pères et les hommes, ah ! comme elle les tenait alors.

Nous buvions et la musique nous pénétrait. Mais pas moi, je courais la nuit mais ne l'ai jamais prise, j'étais trop doux pour elle, le rhum faisait le reste. Parfois elle se déshabillait. Elle disait : " je fais ma danse des sept lanières. " Avec son martinet, elle parcourait doucement son corps d'arabesques compliquées. Ces soirs-là elle peignait ses seins, ses ongles et ses lèvres de teintes sanglantes ou noires ou dorées, elle gardait des escarpins aux talons hauts et pointus, elle mettait un disque de Gesualdo, le musicien amant et assassin. Lentement sa peau entrait en érection, ses mamelons se dressaient sous le fard, son clitoris pointait de sa fente rasée. Alors elle se pénétrait avec le manche, et se branlait sauvagement jusqu'à un grand cri d'orgasme. Puis je l'embrassais à la place du fouet, la douceur de mes lèvres effaçait la brutalité du membre de cuir noir.

Elle avait un gros chat qui la regardait en silence, et moi aussi. Un jour je lui confiais le mien, elle le perdit. D'elle il me reste une photo inexplicablement rougie, par ses lèvres et la pointe fardée de ses seins devinée sous l'étoffe blanche qui ne les couvre pas.

Bruno