Mon prénom signifie "Solitude". Jamais dans ma vie je ne l'avais aussi bien porté. Je dois déjà avoir complété une longue liste de disparus, comme il y en tant en Amérique du Sud, et même les organisations humanitaires soutenues par l'armée ne me retrouveront jamais.

 

Mes bras, tirés en croix, ne me font plus mal depuis longtemps. Simple spectatrice de la destruction de mon corps, les os moulus, j'envisage le gourdin qui s'abat sur mon épaule avec une parfaite indifférence. Le craquement qui s'ensuit ne me fait même pas frémir.

 

Ils sont deux, ils ne sont ni beaux ni forts, ils ont la puissance des hommes armés, rien de plus. Lorsqu'ils ont commencé, j'ai joué crânement une dernière carte. "Vous savez, j'ai toujours rêvé de ceci. Enchaînée, à la merci d'hommes qui abuseraient de moi, encore et encore". Espérais-je vraiment que mon sérieux et mon air de défi les tromperaient ? L'un d'eux a sourit, s'est penché vers moi : "Non seulement tu mens, mais même si c'était vrai, tu finirais par demander grâce. Nous en avons déjà eu des comme ça."

 

Non seulement il avait raison, bien entendu, mais en plus ils ne m'ont pas violée. Pas tout de suite. C'est maintenant qu'une longue entaille longe mon flanc, que mes seins, dont le bout est brûlé, sont méconnaissables, que, désarticulée, je ne pourrais même pas tenir debout, qu'ils se couchent sur moi.

 

L'un s'introduit dans ma bouche, l'autre dans mon anus. J'ai perdu quelques dents, le sang poisse son sexe. Avec ferveur, j'espère que les éclats encore plantés dans mes gencives le blesseront. Plus rien n'est insoutenable, pas même quand le gourdin emplit l'orifice resté libre. Mon vagin se distend, la peau se fendille, plus aucun son ne sort de ma bouche, alors que j'ai tant hurlé auparavant, quand il l'a fouillé de son canif.

 

Je ne ressemble a rien. Ma peau est bleue de froid et d'ecchymoses, mes lèvres sont craquelées, mes cheveux raréfiés, arrachés par touffes, les plaies sont infectées, je suis là depuis des jours. Et pourtant ils jouissent. Ils se répandent sur mon visage et dans mes reins. Ils grognent de plaisir, lèchent mes mamelons calcinés.

 

Ils ne se rajustent pas, s'excitent à nouveau, se frottent contre mes cuisses. Je comprends qu'avant l'irréparable, ils ne pouvaient pas le faire. Je ne vais pas attendre qu'ils recommencent, j'en ai assez vu. J'étais restée prostrée dans un coin de la pièce, au-dessus de mon corps démoli. Je recule, traverse les murs, m'élance dans l'inconnu.