Il ne la regarde pas. Immense et décharné, il la maintient contre le mur. Elle est plaquée contre la paroi, le souffle court, les membres écartés. Seule la pression de la main effilée, posée grande ouverte juste sous sa poitrine, l'immobilise ainsi. Elle prend appui sur une jambe repliée, ses mains grattent les aspérités de la cloison, mais elle ne parvient pas à bouger d'un iota, suspendue au dessus du sol. Il est formidablement fort, il la comprime à l'asphyxier, il attend qu'elle cesse de se débattre.
 
Elle est venue pour ça, alors elle se calme. Elle s'est rebellée, a cherché à tester la force de l'inconnu, pour être persuadée de sa virilité, croît-elle, mais peut-être a-t-elle aussi cédé à la panique, un moment. Il se tourne vers elle, enfin. Convaincue de sa propre impuissance, elle se raisonne. Elle s'est interrogée longtemps, auparavant, sur la conformité de ses fantasmes, mais sous les yeux, elle a la preuve qu'ils sont encore loin de la vérité. Humbles. Modestes. La verge est puissante, dressée, menaçante.

Elle s'apprête à l'accueillir. Il n'y aura pas de baisers fougueux, d'étreinte langoureuse, de caresses interminables. Elle est bien loin de ce qu'elle a rêvé consciemment, adolescente, et même plus tard. L'amant merveilleux, le musicien de ses sens, n'est pas un chevalier blanc, finalement.
 
Jamais un homme n'a réussi à la prendre si facilement. Il se cale face à elle, l'écrasant sur le mur, et la soulève au dessus de son sexe. Il la relâche, brusquement. Il la pénètre ainsi d'un coup. Elle retombe sur le pieu érigé et lâche un premier cri. Prise en étau, plantée sur la verge démesurée, elle ne touche toujours pas le sol.
 
La douleur est intense, inconnue. Elle imagine des crochets, insérés dans ses organes, de chaque côté de son ventre, attachés par des fils pendants hors d'elle, sur lesquels il tirerait par saccades. Elle l'inonde. Elle replie les jambes, rampe sur lui, s'écartèle.
 
D'abord immobile, il la laisse s'épingler plus profondément. Puis il bouge. Il la soulève, la porte sur son sexe. Chaque fois que ses reins remontent, il lui arrache un cri. Il sait ce qu'elle cherche. Et tout à l'heure les cris se transformeront en hurlements.
 
A chaque coup, son dos frotte contre le crépi et s'égratigne. A chaque fois, la peau se fendille. Et les ténèbres, la bile au fond d'elle la submergent. Elle sait, à cet instant, qu'elle a toujours été cette femme, qu'elle laissera quiconque lui donnera cet assouvissement la forcer. Elle peut, ici et maintenant, supporter la violence, les coups, la torture, pourvu qu'il n'arrête pas. Elle a toujours voulu d'un bourreau.
 
Il se penche sur elle et approche un sein de sa bouche. Elle le regarde s'approprier sa chair, la percer. Elle s'arrache la gorge à force de hurler. Elle demande grâce, se tord et se cambre, mais elle jouit.
 
La réalité lui échappe. Elle ne sait plus si elle est vivante, si elle se sent vivante. Au final, la voie pour exister, vivre vrai, faut-il la chercher dans l'alcool, la prostitution, le travail acharné ou le sexe destructeur ? Comment saura-t-elle si elle se trompe ?
 
Sa poitrine est maculée de sang. Elle en a perdu beaucoup, pense-t-elle. Elle gît sur le sol et il ne la relèvera pas. Il faut rentrer, maintenant.