Auréline 10 – les bottines

Les devantures des sex-shops et des peep-shows se ressemblent toutes. Nous marchons un moment. Monsieur ouvre une porte et m’invite à entrer. Nous sommes dans le hall d’accueil d’un hôtel. Sous une lumière glauque trône un réceptionniste au visage blafard. Il me fait penser à un croque-mort.

– Pour la nuit ?
– Non pour une heure.

Monsieur paie d’avance le montant indiqué. Il me fait de moins en moins penser à un gentleman. Dans la chambre il s’excuse et file aux toilettes, sa petite valise à la main. Quand il en ressort, il est torse nu, juste vêtu d’un pantalon en cuir. Je viens à l’instant de dessaouler.

– Je crois que je vais prendre congé, dis-je.

Monsieur est très déçu.

-Oh non, je vous en supplie. Ne prenez pas peur, je ne veux pas vous faire de mal. Je veux juste que vous portiez les bottines que je viens de vous acheter. Je ne vous toucherai pas. Je me tiendrai juste à genoux à vos pieds.

Après tout, pourquoi pas, si je peux faire plaisir à un vieux monsieur. Je retire mes chaussures. Il regarde mes pieds avec envie, on dirait de la gourmandise. J’enfile les bottines très lentement. Je resserre les lacets.

– Très beau, dit-il. Elles mettent bien en valeur le galbe de vos mollets.

Voila. Je suis assise sur le bord du lit. Un homme à genoux devant moi vénère mes pieds. Ce monde est un peu fou.

– Si j’osais… hasarde-t-il.
– Dites toujours.
– J’aimerais les lécher, très chère, vous montrer ma vénération.

Je lui octroie ce privilège. Monsieur s’applique, il dépose de petits baisers sur le cuir, suçote le bout et nettoie les chaussures avec la langue. J’ai l’impression qu’il s’escrime pendant des heures. Enfin, il s’arrête. Peut-être a-t-il senti ma lassitude, j’ai du mal à réprimer un bâillement.

– Je crois que ce sera tout pour ce soir. Je vous remercie infiniment.

Il saisit son portable pour appeler un taxi.

– Etes-vous satisfait Monsieur ?
– Oui, tout à fait.

Il ajoute ensuite, avant que je parte :
– Vous pouvez garder les bottines, bien entendu.