Le journal d’Auréline III
Javier marche devant moi. Il se déplace lentement. Je fais de petits pas pieds nus sur le parquet ciré pour le suivre. J’ai toujours le goût de son sperme sur la langue.
Il ouvre une porte. J’entre dans la salle de bain. C’est une pièce spacieuse aux murs habillés de grands carreaux anthracite. Au-dessus du lavabo blanc à la robinetterie moderne, un miroir dont la bordure, laquée d’un noir brillant, rappelle les riches moulures encadrant les tableaux de musées.
Dans un angle, une cabine de douche mais c’est un autre élément mobilier qui attire mon attention. Je n’ai jamais vu une aussi grande baignoire de ma vie. Je crois que l’on pourrait facilement tenir à quatre dedans. Elle est équipée d’un système de jets d’air pulsé comme en témoignent les parois percées de petites valves.
A mon grand désarroi, Javier reste à côté de moi. Je n’ai qu’une seule envie : me brosser les dents.
– J’ai besoin de mes affaires de toilettes, lui dis-je.
Je me rends aussitôt compte que j’ai commis une bourde. Je n’ai pas eu le temps de le voir amorcer le geste que sa main s’abat sur ma joue droite. La gifle est vigoureuse mais il est bien loin d’y avoir appliqué toute sa force.
– Tu m’obliges déjà à te rappeler les règles, me sermonne-t-il sur un ton sec. En aucun cas tu ne dois m’adresser la parole sans y être invitée. Je ne suis pas ton domestique. C’est même plutôt l’inverse ! Débarbouille-toi rapidement, rince-toi la bouche si tu veux. Tu auras tout le temps de te laver avant de te coucher.
Je me regarde dans la glace. La peau un peu rouge porte son empreinte mais elle disparaitra vite sans laisser de marques. Je me rince le visage à l’eau froide. Hors de question de lui laisser le plaisir de me voir pleurer.
La tête basse, je lève timidement la main.
– Permission de parler accordée, dit-il.
– Je dois soulager une envie pressante, Monsieur.
Il semble apprécier la marque de respect.
– Je vais te montrer où sont les toilettes et je ne mentionnerai pas ton attitude à Maîtresse F. Tu peux m’en être reconnaissante.
Cette fois je peux m’isoler pour faire ma petite commission. De retour dans le couloir je constate que Javier s’est absenté. Ne sachant trop quelle attitude adopter, je reste debout devant la porte tout en me massant doucement la joue. Javier revient rapidement, une lanière en cuir à la main.
– Je ne pouvais pas laisser ton écart impuni.
Je suis sur le point de lui faire remarquer que j’ai déjà reçu une punition, une bonne claque en l’occurrence, mais la perspective d’une nouvelle rouste m’en dissuade.
Il me dit de me tourner et de relever les cheveux sur ma nuque. « Ouvre grand la bouche » ajoute-t-il avant d’y glisser une balle en caoutchouc et de refermer la boucle.
– Essaie de parler.
Je ne peux qu’émettre des borborygmes inaudibles.
– Très bien. Tu n’enlèveras ce bâillon que si je t’y autorise.
Je l’accompagne ensuite jusqu’à la chambre. Enfin chambre, c’est vite dit, il s’agit plutôt d’un cagibi aménagé. Si je m’attendais au même luxe que dans la salle de bain, j’aurais été cruellement déçue. La pièce est minuscule et dénuée de fenêtres. Un lit en fer étroit occupe la moitié de l’espace. Je remarque également un verrou à l’extérieur de la porte et un pot de chambre dans un coin. Une vraie cellule. Ne manquent que des bracelets pour m’attacher à la paillasse. Maintenant que j’y pense, je les porte déjà aux poignets et aux chevilles…
– Avec la cuisine, les trois pièces que nous venons de voir sont les seules où tu es autorisée à te trouver seule. J’espère pour toi que tu as bien mémorisé leurs emplacements. Si nous te croisons ailleurs dans l’appartement, tu ne couperas pas à une sévère punition cette fois.
Et tu aimerais bien t’en charger, non ? Je commence à penser que Maîtresse F. n’est peut-être pas le pire tortionnaire la maison.
Il me donne des gants en latex et un tablier. « Tu vas passer la prochaine heure à nettoyer, dit-il en désignant une éponge et du détergent. Après tu éplucheras les légumes et tu prépareras le dîner selon la recette qui est sur ce papier. Tu as intérêt à ce que le plat convienne à ta Maîtresse. Une fois le repas de Madame terminé, tu reviendras dans la cuisine et je te donnerai à manger. Tu nettoieras de nouveau la pièce. Pour finir Maîtresse F. désirera sans doute vérifier la propreté des lieux. »
Quel savoureux programme ! Je n’aurais jamais pensé faire l’armée. Garde à vous, soldat Auréline !
La cuisine, bien entretenue, ne demande pas énormément de travail mais quelque chose me dit que je dois consacrer du temps et de l’énergie aux différentes tâches qui me sont attribuées. Je fais bien attention à éliminer toutes traces de calcaire dans l’évier.
Je m’attelle à la préparation du repas en suivant scrupuleusement les indications. Je dois couper en morceaux une pièce de bœuf et préparer des carottes et des pommes de terre. Tout en travaillant, je me demande s’ils vont contrôler l’épaisseur des épluchures de légume.
Le bâillon me gêne un peu aux commissures des lèvres. J’ai mal à la mâchoire à force de garder la bouche ouverte et la boule m’empêche de déglutir, ce qui m’oblige à essuyer régulièrement la salive qui coule sur mon menton. Je dois maudire Javier une bonne centaine de fois.
Pendant que le plat principal mijote doucement, je prépare une salade de tomate. Selon les quantités indiquées dans la recette, je déduis que Maîtresse F. dîne seule ce soir.
A sept heures moins dix, Javier entre dans la cuisine. « Retire ton tablier. Tu vas apporter un pichet d’eau fraiche et l’entrée à Madame ». Je prends un plateau et rajoute un petit panier avec des tranches de pain. Estimant sans doute qu’il est risqué d’ajouter un poids supplémentaire à ma tâche, Javier se charge de la bouteille de vin.
La salle à manger est vide. Encore une fois, je suis étonnée par la taille de la pièce. Les murs sont gris, le mobilier est sobre, avec ce soupçon d’exotisme que confère le teck noir. Je pose le plat et le broc d’eau sur la grande table. Javier me désigne le vaisselier. Je dispose couverts et assiettes devant la place dévolue à Madame. Maîtresse F. arrive peu après. L’homme à tout faire s’esquive aussitôt.Maîtresse F. ne s’étonne pas de mon bâillon. Je ne peux m’empêcher, pour ma part, de remarquer son changement de tenue. Elle n’a pas quitté le bustier en cuir mais le pantalon a disparu, remplacé par une sorte de string en cuir noir et des cuissardes de la même matière, bien serrées jusqu’en haut des cuisses. Cette tenue est à la fois imposante est très sensuelle. Sans compter la cravache qu’elle tient à la main.
– Bien, dit-elle après avoir pris place à la table. Nous allons poursuivre ton éducation en abordant les différentes postures que l’esclave doit adopter en présence de sa Maîtresse. Tu devras très vite apprendre que, lorsque j’emploierai certains mots clefs, j’attends de toi que tu prennes aussitôt la position correspondante. Par exemple, quand je dis « esclave en attente », tu dois te tenir debout, les jambes légèrement écartées et les mains croisées dans le dos. Quand tu es de service à table, mets-toi dans cette position par défaut, sans que je t’en donne l’ordre.
Je m’exécute docilement. D’un léger coup de cravache, elle me fait comprendre que mes cuisses ne sont pas assez loin l’une de l’autre. Maîtresse F. boit une gorgée de vin avant de reprendre :
– Autant t’habituer tout de suite à la posture de punition. Commence par t’allonger en prenant appui sur tes genoux et tes coudes. Maintiens les pieds en l’air, ton bassin à quarante-cinq degrés, comme si tu voulais dessiner un Z. Tu dois faire en sorte de garder la tête basse et que ta croupe soit le plus haut possible. Creuse un peu plus tes reins. Le plus dur est de garder la plante des pieds vers le haut, accessible aux coups, tout comme les fesses. Parfait. Tu dois tenir ainsi tout le temps de la punition, quitte à souffrir de surcroit de crampes. Mais nous n’en sommes pas là puisque, pour le moment, tu n’as pas mérité de châtiment. Augmentons un peu la difficulté. Adopte maintenant la position d’endurance, qui comme son nom l’indique permet de tester la résistance de l’esclave à l’effort. Tu dois t’accroupir sur la plante des pieds, les jambes écartées, les mains derrière la tête. Ton torse bien droit, les épaules en arrière, le buste haut et relevé pour présenter ta poitrine. Rentre ton ventre. Ne bouge plus pendant que je mange l’entrée.
Moins douloureuse que la punition, la position d’endurance reste tout de même très inconfortable et difficile à garder. Je résiste cependant le temps que Maîtresse F. finisse les crudités, même si elle prend bien le temps de mastiquer.
– Va chercher le plat principal, ordonne-t-elle.
Je me relève difficilement et emporte le plateau à la cuisine. J’avais laissé la viande et les légumes sur la plaque éléctrique pour les conserver au chaud. Je transfère le contenu du fait-tout dans un plat en faïence. « Sers-moi » me dit Maîtresse F. une fois que je suis revenue dans la salle à manger.
Là je me rends compte que j’ai oublié de prendre des couverts. Je me précipice chercher le nécessaire dans le vaisselier. Je ne sais pas de quel côté me placer pour le service. Quelle idiote ! A tout hasard je tente une approche par la gauche pour utiliser plus facilement ma main droite. Maîtresse F. ne fait pas de commentaire. Elle lâche juste un ordre : « posture d’endurance », une fois que j’ai terminé. Je m’accroupis et c’est ici que les difficultés commencent. J’ai mal aux cuisses et aux chevilles. Au bout d’un moment, alors que Maîtresse F. continue de manger à une vitesse désespérante, mes muscles tétanisent et je me mets à trembler. Au moment où je crois être sauvée – elle a presque fini – une de mes cuisses lâche et je me retrouve un genou à terre. Je reprends aussitôt la position. Maîtresse F. ne réagit pas immédiatement. Elle sauce son assiette avec un morceau de pain avant de dire : « punition ». Je blêmis et, morte de trouille, m’exécute en adoptant la position prescrite. Maîtresse F. se lève et saisit la cravache. Je m’attendais à recevoir un coup sur les fesses mais la sentence est bien pire encore. Au terme d’un sifflement sinistre, je ressens une douleur terrible sur la plante des pieds. Mon cri est étouffé par le bâillon. Je reçois une volée de coups sur les reins, les talons et la voûte plantaire. C’est la pire correction que j’aie jamais reçue, la douleur est insupportable. De grosses larmes coulent sur mes joues. Maîtresse F. n’y prête aucune attention.
– Débarrasse la table et apporte-moi le dessert, dit-elle. Après quoi tu pourras prendre la posture d’attente.
Une fois le repas terminé, Maîtresse F. dit :
– Il est temps de nous accorder un moment de détente, qu’en dis-tu ? Ah oui, bien sûr, tu ne peux pas répondre…
Elle me débarrasse du bâillon.
– J’écoute…
– Merci Maîtresse.
Elle rapproche une chaise et s’assied. D’un geste élégant, elle retire son string avant d’ordonner : « à genoux ».
J’ai tout de suite compris ce qu’elle voulait mais, Mon Dieu, je ne l’ai jamais fait. J’ai son sexe devant les yeux. Maîtresse F. n’applique pas à elle-même ses préférences en matière de système pileux. Certes, elle fréquente régulièrement l’esthéticienne mais sans pratiquer l’intégrale. Une petite moustache, au-dessus des lèvres, orne son pubis. De près je distingue un reflet métallique. Le capuchon de son clitoris est percé d’une fine barrette. Elle est propre. Je remarque tout juste une faible odeur, discret embrun qui me rappelle que je suis en présence d’un mollusque bivalve. Ses grandes lèvres sont rouges et serrées, évitant l’étalage des plis et des replis des femmes d’un certain âge. Tant mieux car je trouverais ce spectacle un peu dégoûtant.
Elle n’ajoute qu’un mot : « lèche ». Je ferme les yeux et je tends la langue. J’essaie d’appliquer ce que j’attends d’un homme quand il me fait jouir ainsi, je commence par déposer des baisers sur les grandes et les petites lèvres, en me rapprochant peu à peu du centre du plaisir. Maîtresse F. me guide en me saisissant par les cheveux. Sa respiration devient plus bruyante et un liquide salé coule sur ma langue. Je suis, pour la première fois de ma vie, en train de lécher une femme. Rien que d’écrire cela, je ressens un plaisir pervers et l’envie me prend de laisser ma main s’égarer entre mes cuisses.
« Suce-moi, petite chienne » dit Maîtresse F. Je saisis son clitoris entre mes lèvres et j’aspire. Il est gros et gorgé de sang, comme un gland d’homme en modèle réduit. J’effectue des mouvements de la langue et de la bouche. Les cuisses de ma Maîtresse se tendent, frémissent, elle agrippe mes cheveux avec plus de force et finit par pousser un cri qui décline en un râle grave et profond.
– Arrête, dit Maîtresse F.
Je me détache d’elle. Une multitude de sentiments bizarres et contradictoires se bousculent dans ma tête pendant que je regarde mes pieds avec humilité.
– Rhabille-moi, poursuit-elle.
Je ramasse son string. Je ne l’avais pas remarqué tout à l’heure mais il comporte des attaches pour l’enfiler et le retirer rapidement. Une fois que j’ai terminé, Maîtresse F. sort de la salle à manger, sans dire un mot. Je prends son assiette et sa cuillère et quitte la pièce à mon tour.
Javier m’attend dans la cuisine.
– Je suppose que tu as faim, dit-il. Je t’ai préparé à manger.
Rien sur la table de la cuisine. Sur le sol, en revanche, une gamelle remplie de nourriture et une écuelle d’eau. C’est plus d’humiliation que je peux en supporter :
– Non, dis-je, jamais…
Je n’ai pas le temps de finir ma phrase. Javier me saisit par les cheveux et je me retrouve à quatre pattes, le nez dans la gamelle.
– J’ai fait cuire ce riz et ce steak haché pour toi. J’ai pris soin d’écraser la viande pour que tu n’aies pas besoin de mâcher. Tu as de l’eau fraîche à disposition. Du grand luxe pour une chienne comme toi ! Alors, j’aime mieux te dire que tu vas tout manger et lécher le fond du plat. Je veux qu’il soit propre, comme s’il venait d’être lavé. Interdiction d’utiliser les doigts. Si un grain de riz tombe par terre, récupère-le avec ta langue. Quand tu auras fini, tu as intérêt à me remercier !
J’ai très faim et il ne me laisse pas vraiment le choix. Pas facile de manger sans les mains. Je prends une bouchée de riz. La nourriture est fade, la viande sans goût, comme bouillie. Je fais comme il m’a dit et finis par lécher la gamelle.
Je dois laper l’écuelle pour boire un peu d’eau. Javier ne manque rien du spectacle. Il sourit, visiblement ravi du bon tour qu’il m’a joué. J’ai tellement honte d’être rabaissée ainsi, traitée comme un a****l.
– Alors qu’est-ce qu’on dit ?
– Merci Monsieur.
– Reste dans cette position. Madame t’a bien corrigée, hein ? Tu as le cul zébré de marques rouges…
Javier pose les mains sur mes fesses. Il les caresse avec douceur, sans doute pour mieux apprécier les reliefs laissés par la cravache. Je ferme les yeux, j’essaie de ne plus penser à rien.
Derrière moi, j’entends une ceinture que l’on détache, une fermeture éclair qui se baisse. Oh non ce n’est pas possible ! Et pourtant si… ce salaud ne m’épargnera pas. Déjà je sens un de ses gros doigts fouiller mon sexe sans ménagement.
– Petite salope, tu es trempée. Excitée d’avoir léché Madame, j’en suis sûr…
Il a dû nous espionner, peut-être en se masturbant. Son doigt ne tarde pas à être remplacé par un organe beaucoup plus volumineux et gorgé de sang. Ce membre est gros, la voie est étroite. Il me fait mal et quand il commence à bouger, c’est pire encore. Alors, mon salaud, tu aimes baiser les jeunettes de vingt ans sur le carrelage de la cuisine ? Il donne de violents coups de reins tout en distribuant des claques sur mon postérieur avec une sorte de rage féroce. Je sers les dents. Hors de question que je lui donne satisfaction en le suppliant d’arrêter. Ce que je subis parait bénin après la correction administrée par Maîtresse F. Heureusement, il ne s’éternise pas. Il se retire et éjacule sur mon dos en soufflant comme un bœuf. Il semble pris de remords, comme prêt à s’excuser. Avec une feuille de papier essuie-tout, il éponge les gouttes de sperme.
– Je vais t’aider à nettoyer, dit-il en reboutonnant son pantalon, et ensuite tu iras prendre une douche.
Ma trousse de toilette est posée sur une étagère dans la salle de bain. Javier, les bras croisés, m’observe pendant que je me lave les dents. Il retire les bracelets et le collier. Je me masse les poignets et les chevilles. En me tournant un peu, je jette un bref coup d’œil à mon reflet dans la glace. Tout le bas de mon dos est couvert des marques laissées par la cravache. Là où les coups se sont croisés, la peau a pris une teinte violette. Je ne mettrai pas les pieds à la piscine dans les jours qui viennent, c’est certain.
Javier ne sort pas quand je prends ma douche. Il me regarde me laver, me savonner le ventre, les seins, les parties intimes qu’il vient de ravager. Je ne proteste pas. J’ai juste envie d’aller me coucher.
Une fois que je suis sèche, il réajuste mes accessoires d’esclave et m’accompagne jusqu’à la cellule.
La porte se referme. Claquement sec du loquet. Me voici enfermée pour la nuit.
Il règne un noir total dans la pièce. Je n’ai pas vu d’interrupteur, tout à l’heure. Il n’y a pas de drap sur le lit, juste une couverture de mauvaise qualité, rêche comme du papier de verre. Peu importe, je suis épuisée et je ne tarde pas à m’endormir.